Quand j’ai décidé d’avoir un enfant sans partenaire, je ne me suis pas trop souciée des opinions des autres. Je savais que mes proches seraient peut-être inquiets pour moi, mais aussi heureux et ouverts à l’idée qu’une famille monoparentale ne soit pas une anomalie tragique. Une famille monoparentale peut venir d’un choix éclairé, réfléchi et de beaucoup d’amour.
Je me sens avant tout chanceuse et très consciente que mon choix ait été rendu possible grâce au privilège d’être éduquée, d’être culturellement et socialement favorisée, d’avoir une profession qui me permet d’assumer le coût d’élever ma fille. Je n’oublie pas les générations de femmes avant moi qui ont dû vivre dans la honte ou la stigmatisation, et je n’oublie pas non plus les familles monoparentales qui vivent trop souvent dans la précarité. J’ai aussi la chance de vivre au Canada, où il est légal pour une femme célibataire d’avoir recours à la procréation assistée.
Bien sûr, lorsque vous êtes enceintes, les gens présupposent que vous êtes en couple et encore trop souvent que ce couple est hétérosexuel. Enceinte, je ne me suis sentie mal à l’aise qu’à une seule occasion: dans un cours de yoga prénatal. Au début du deuxième cours, la prof nous annonça que le thème du cours était l’impact que notre grossesse avait sur notre couple en nous distribuant une feuille avec des questions regroupées en deux parties: “pour le père” et “pour la mère.” Malgré ma réticence et mon inconfort, j’ai pris la parole lorsque les visages se sont tournés vers moi. J’ai tout simplement dit que je n’étais pas en couple. La réaction fût positive mais mon malaise est resté.
Le manque d’imagination, la confusion entre la biologie de la procréation et la naissance d’une famille amène son lot de présupposition inconsciente. Nous en sommes tous coupables à un moment ou à un autre.
Ma fille a une maman, deux grands-parents, un oncle, deux marraines, deux parrains, une nanny qui est merveilleuse, et des tantes d’adoptions qui feront parties intégrantes de sa vie. Ma famille, notre famille, c’est celle que j’ai imaginée et créé en dehors du couple traditionnel.
J’espère qu’en grandissant, elle ne ressentira pas trop souvent le même inconfort que j’ai pu avoir dans ce cours de yoga. J’espère surtout que ces enseignants et éducateurs seront capables de se questionner et de repenser leur représentations inconscientes et qu’ils ne prendront pas pour acquis que tous les enfants ont une mère et un père. Mon travail sera de les sensibiliser à cette diversité.